Entretien du 17 mars 2025 avec Laurence Safont, présidente de la CPTS Ouest Hérault

Face aux défis croissants de l’accès aux soins et à la nécessité d’optimiser la prise en charge des patients, les nouveaux métiers de la santé comme les Infirmiers en Pratique Avancée (IPA) et les assistants médicaux jouent un rôle clé.
À la CPTS Ouest Hérault, où trois IPA sont déjà en exercice, ces nouvelles professions permettent d’améliorer l’organisation des soins et d’offrir un meilleur suivi aux patients. Un des impacts majeurs observés est la réduction du temps de consultation de 30 minutes à 15 minutes grâce à l’intégration d’un assistant médical. Cette évolution permet aux médecins de se concentrer davantage sur leur expertise clinique tout en maintenant une qualité de prise en charge optimale.
Laurence Safont, pneumologue et présidente de la CPTS Ouest Hérault, partage son expérience sur l’intégration des IPA et assistants médicaux, leur impact et les défis rencontrés sur le terrain.
Valorisation des nouveaux métiers de la santé : un levier essentiel pour optimiser l’accès aux soins
La CPTS Ouest Hérault s’engage activement dans la structuration et l’évolution de l’offre de soins sur le territoire. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est essentiel aujourd’hui de valoriser les nouveaux métiers de santé comme les IPA et les assistants médicaux ?
Ces nouveaux métiers sont bienvenus dans le paysage médical car cela représente pour nous, médecins, un gain de temps médical qui nous permet de diminuer notre délai de prise en charge mais également de libérer du temps pour des créneaux de soins non programmés dans nos emplois du temps.
Les journées d’AVECSanté (14 et 15 mars 2025) ont mis en avant les enjeux liés à l’évolution des professions de santé. Quels sont les principaux enseignements que vous retenez de ces échanges ?
Ces journées d’AVECsanté, malheureusement, sont situées dans une temporalité un peu difficile puisque, en sont arrivés autour des discussions autour de l’ACI pour les maisons de santé (MSP) dont nous avons eu peu de retours. Bien évidemment, puisque les négociations sont en cours et il était difficile à Thomas Fatôme de s’engager vraiment sur quelque chose puisque c’est en discussion. Mais le directeur de la CNAM a évoqué une réflexion en cours sur les assistants médicaux et leur embauche, qui viendrait. Tout en simplifiant les modes de rémunération pour permettre à des maisons de santé d’embaucher des assistants médicaux. Ce que j’ai retenu aussi, en termes de nouveaux métiers, c’est que pour les coordinateurs et coordinatrices, il s’agit également de permettre un professionnalisme qu’ils soient plus efficients au sein de nos structures d’exercice coordonné. Pour ma part je travaille avec une assistante médicale qui réalise des actes techniques préalables à ma consultation, ce qui me fait gagner beaucoup de temps sur ma consultation.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées sur le terrain concernant l’intégration de ces nouveaux métiers dans les équipes de soins ?
Le premier problème est de trouver à recruter des IPA sur notre territoire. Les IPA, il y en a en formation. La formation est compliquée parce qu’elle est longue, elle survient au cours de leur carrière et il est difficile de passer deux ans sans rémunération ou avec des indemnisations qui sont difficiles à trouver. Lors de la signature de notre ACI, j’ai été approché par deux IPA qui étaient en cours d’étude et qui étaient intéressées par exercer sur notre territoire. Nous avons développé des parcours de soins originaux pour les plus de 75 ans leur permettant d’accéder à certaines hospitalisations sans passer par les urgences. Ces parcours de soins sont coordonnés par une prise en charge IPA et médecin spécialiste. Nous allons également développer sur le territoire selon une idée innovante de la MSP de Béziers, un aller-vers par l’IPA des patients sans médecin traitant. L’IPA permettra une prise de contact, une connaissance du dossier pour favoriser l’adhésion d’un partenariat avec un médecin traitant pour le patient. Nous espérons aussi être attractifs pour le territoire en développant des parcours de soins originaux qui, pour nous, seront susceptibles d’intéresser nos IPA. Quant aux assistantes médicales, la principale difficulté est la méconnaissance, par les professionnels de santé, de ce nouveau métier, des aides qui nous sont apportées par la CPAM. Une meilleure connaissance serait nécessaire, de la fiche de poste de l’assistant médical pour savoir ce qu’il peut réaliser au sein de nos structures ou au sein de nos cabinets libéraux, s’il s’agit d’un cabinet.

Les Infirmiers en Pratique Avancée : un maillon clé pour l’accès aux soins et la coordination interprofessionnelle
Les IPA jouent un rôle clé dans la prise en charge des patients chroniques et le suivi en proximité. Comment la CPTS accompagne-t-elle leur déploiement sur le territoire ?
Nous n’avons pas vraiment mis de choses en place, sauf ces parcours, deux types de parcours que nous allons débuter avec les IPA déjà présentes sur le territoire. Nous souhaitons être force de proposition pour les nouvelles IPA qui vont arriver à leur diplôme en affichant ces parcours de soins, en mettant en évidence les contractualisations qu’ont fait pas mal de médecins généralistes et de médecins spécialistes d’organes comme les pneumologues et les cardiologues. Il faut informer, d’où le bien fondé du site internet (cpts-ouest-herault.fr) et de ce moment d’échange que nous avons aujourd’hui.
Quelles sont les actions concrètes mises en place pour faciliter leur intégration et leur reconnaissance auprès des autres professionnels de santé ?
Nous allons mettre en place des réunions d’information pour l’intégration de ces IPA. Nous allons nous appuyer également sur Le Guichet ou Fécop qui peuvent nous aider à animer des réunions, des webinaires sur l’intérêt de ces nouveaux métiers au sein de nos structures d’exercice coordonné mais également au sein des cabinets libéraux qui ne sont pas encore en exercice coordonné et qui ont, comme tous, besoin de travailler ensemble, de libérer du temps médical, de proposer des créneaux de soins non programmés ou de pouvoir prendre en charge des patients sans médecin traitant. Je crois que l’important c’est vraiment d’informer et de montrer ce que nous avons fait et de faire partager des retours d’expérience avec les professionnels qui ont déjà pris conscience de l’intérêt de ces nouveaux métiers.
Quel impact avez-vous déjà observé sur l’accès aux soins et la coordination interprofessionnelle grâce aux IPA ?
J’ai déjà contractualisé avec une IPA depuis bientôt deux ans, mon associé également. Cela m’a permis un gain de temps vraiment significatif et une coordination interprofessionnelle qui est très bénéfique au patient et lequel patient apprécie d’ailleurs l’alternance de ces consultations avec l’IPA et le médecin spécialiste. Il trouve que l’IPA a beaucoup plus de temps à consacrer à ses nombreux problèmes, à une vision beaucoup plus globale du patient et le fait de travailler dans des bureaux côte à côte, cela rassure beaucoup le patient qui se rend bien compte que si l’IPA est en limite de possibilité par sa profession, elle n’hésite pas à contacter le voisin de consultation qui intervient également auprès du patient.
Avez-vous déjà un processus de collaboration préétabli entre le médecin généraliste et l’IPA ?
Oui, dans notre CPTS, il y a des IPA au sein des maisons de santé. Par exemple la maison de santé de Valras où un des médecins généralistes travaille avec l’IPA qui se rend parfois à domicile ou dans l’EHPAD de la ville voisine pour aider le médecin concerné. Il en est de même dans la maison de santé de Béziers. Nous avons quelques IPA que nous occupons beaucoup et qui attendent le soutien d’autres IPA diplômés.
Assistants médicaux : un levier essentiel pour fluidifier l’organisation des soins et améliorer l’expérience patient
Quels étaient les principaux défis auxquels vous faisiez face avant son arrivée ?
Le principal défi en mon sens c’était d’arriver à gérer l’ensemble des consultations dans le temps imparti avec des retards journaliers assez spectaculaires, des patients qui attendaient parfois 1h – 1h30 dans nos cabinets et également des délais de rendez-vous qui dépassaient les quatre mois pour des nouveaux patients ou des patients déjà pris en charge. C’était relever un défi qu’essayer de gagner du temps et de partager notre activité pour pouvoir libérer des créneaux pour que les patients accèdent plus facilement aux soins et ne passent pas des heures entières dans la salle d’attente.
Selon vous, en quoi le rôle d’une assistante médicale est-il un levier clé pour améliorer la prise en charge des patients ?
Tout d’abord, un meilleur accueil du patient, plus précoce, dès l’arrivée du patient dans nos cabinets, ce qui évite l’heure d’attente de prise en charge. L’assistante médicale vient me voir quand elle a vu le patient et a souvent mis en exergue des problèmes rencontrés par le patient qui, par ce premier entretien, est déjà beaucoup plus mis en confiance.
Avez-vous perçu une évolution dans la qualité des échanges et du suivi des patients grâce à son rôle ?
Oui, les patients sont très satisfaits de cette prise en charge et ils ont la sensation, selon ce qu’ils nous disent, d’avoir préparé la consultation afin de ne rien oublier de ce qu’ils voulaient dire au médecin. Ils sont moins stressés à l’arrivée dans le bureau et ils savent qu’ils ont déjà eu cette discussion de quinze à vingt minutes avec l’assistante médicale qui leur a permis de poser tous les problèmes et d’arriver beaucoup plus serein.
Comment voyez-vous l’évolution de ce métier et son rôle au sein des équipes de soins dans les prochaines années ?
Grâce au nouvel ACI, je l’espère, les assistantes médicales pourront se généraliser dans les maisons de santé et ne plus être embauchées sous réserve de file active de médecin. En mon sens, les assistantes médicales doivent faire partie d’une équipe pluripro et non plus d’un binôme médecin – assistant médical. C’est vraiment un nouveau métier qui doit s’inclure dans le pluri-professionnalisme de nos exercices coordonnés et il semblerait que les réflexions et négociations autour de l’ACI aillent dans ce sens. Mais je ne veux pas m’engager, je ne suis pas dans les négociations et surtout pas signataire.
Comment la CPTS peut-elle encourager d’autres structures à adopter ces nouveaux modèles d’organisation ?
J’espère que nos parcours de soins innovants feront leur preuve et pourront être proposés en inter CPTS par exemple. Dès que les inclusions seront un petit peu plus nombreuses nous ferons, bien sûr, un retour d’expérience que nous n’hésiterons pas à mettre sur les réseaux ou sur notre site afin d’inciter les autres professionnels de santé à concrétiser ces inclusions, dans leur cabinet ou leur MSP, de ces nouveaux métiers.
Vers un exercice coordonné : accompagner la transformation du système de santé
Pour conclure, quel message souhaitez-vous adresser aux professionnels de santé du territoire qui hésitent encore à intégrer un IPA ou un assistant médical dans leur organisation ?
Je dirais que les essayer, c’est les adopter car cela conduit à une prise en charge optimale qui est très bien vécue par le patient. Mais le deuxième message que j’ai envie de faire passer c’est qu’il faut apprendre à se connaître pour mieux travailler ensemble. C’est évident que face à ces nouveaux métiers, les professionnels de santé y compris les médecins, ont beaucoup de réserves quant à leur responsabilité professionnelle et je crois que lorsque l’on apprend à connaître son IPA ou son assistant médical, quand chacun s’est fixé ses limites c’est un partage et un exercice commun qui est particulièrement efficace et qui est bénéfique à tous que ce soit pour le professionnel de santé ou le patient.
Comment la CPTS Ouest Hérault va-t-elle continuer à accompagner cette transformation du système de santé local ?
La CPTS est installée au service des patients mais également des professionnels de santé. Elle va tisser des liens entre professionnels de santé, partenaires œuvrant dans le domaine de la santé. Elle va renforcer les liens déjà présents avec l’hôpital et les établissements de santé privés. J’espère également qu’elle va favoriser l’implantation des structures coordonnées comme les maisons de santé ou les ESP et qu’elle va pouvoir avoir le loisir de développer de la formation et de l’information en se faisant connaître. En connaissant l’ensemble des actions qui est possible de porter par une CPTS, j’espère fédérer les professionnels de santé, les convaincre que ce mode d’exercice est rassurant et plus confortable et ainsi nous pourrons arriver aux objectifs que sont les nôtres, à savoir 50% des professionnels de santé du territoire et 70% des médecins généralistes.